Être intervenant·e en soins spirituels en 2020
19 décembre 2019
L’automne dernier, le ministère a chargé un nouveau groupe de travail de réviser ses orientations relatives à l’intervention spirituelle dans les établissements. Ses recommandations devraient être connues en 2021. Comme nous savons peu de choses de cet exercice mené 10 ans après l’adoption des précédentes orientations, des démarches sont en cours pour obtenir davantage d’information et faire entendre la voix de nos membres.
La présence d’intervenant·e·s en soins spirituels dans le système de santé n’est pas nouvelle. Les premiers hôpitaux qui ont été construits dans les colonies de la Nouvelle-France, les hôtels-Dieu de jadis, regroupaient des médecins, guérisseurs et apothicaires qui travaillaient avec l’État et les congrégations religieuses. Combinées aux piètres conditions d’hygiène et aux grandes épidémies, les failles de la médecine de l’époque faisaient en sorte que ces lieux étaient davantage des mouroirs que des lieux de rétablissement. Ainsi, les communautés religieuses étaient appelées à côtoyer la souffrance humaine au quotidien et à procurer services et soutien à la population.
Par la suite la science médicale s’est développée, tout comme les professions de la santé. Les communautés religieuses ont toutefois continué à répondre aux besoins spirituels, reconnus par la Loi sur la santé et les services sociaux.
D’abord aumônier, puis animateur de pastorale, le titre d’emploi est devenu intervenant en soins spirituels en 2011 à la suite du changement dans la Nomenclature des titres d’emploi du réseau de la santé et des services sociaux. Ce changement majeur s’est accompagné de l’abandon du mandat pastoral, qui impliquait l’obligation d’obtenir la permission des autorités religieuses locales, et d’une mise à jour de la réalité du travail des intervenant·e·s.
On est alors passé à une approche de la spiritualité au sens large et non plus limitée à la religion − et encore moins à la seule religion catholique.
L’aspect religieux occupe toujours une place dans les interventions de ces professionnel·le·s mais elles et ils se doivent d’agir de façon inclusive, en prenant la personne telle qu’elle est et en lui apportant le soutien dont elle a besoin. Si cela implique des actes ou des rituels propres à ses croyances religieuses, l’intervenant·e en soins spirituels fera les démarches nécessaires pour les lui procurer.
Une pratique encadrée
Devenir officiellement intervenant·e implique aujourd’hui une formation académique, un accompagnement sur le terrain (stage), une expérience pratique et un encadrement, ainsi qu’un soutien à l’intervention. Cela implique également la participation aux discussions des équipes de soins, l’inscription de notes au dossier des patient·e·s ainsi que la possibilité de référer ou de se faire référer par des collègues d’autres professions, bref un travail conjoint pour le bénéfice des patient·e·s. L’intervenant·e peut aussi avoir un rôle-conseil en matière d’éthique et de bioéthique. Enfin, elle ou il a des droits et des obligations.
Les conditions de pratique sont cependant très variables d’un établissement à l’autre. Alors qu’à certains endroits, l’intervenant·e est parfaitement intégré·e dans l’équipe de soins, participe aux rencontres multidisciplinaires, a accès aux dossiers des usager·ère·s, y inscrit des notes et réfère à d’autres professionnel·le·s; ailleurs, on ne lui concède même pas le droit de contacter directement la personne et ses proches sans référence spécifique. Dans les dernières années, plusieurs ont vu leurs heures de garde réduites ou carrément abolies. Certaines de leurs tâches sont également déléguées à d’autres membres de l’équipe de soins et on commence même à parler de quotas et de cibles statistiques afin d’encadrer leur pratique quotidienne.
Démystifier la profession
Face à la maladie ou à des accidents graves qui auront des répercussions sur nous et nos proches, nous nous retrouvons souvent en quête de sens et nous remettons en question bien des choses. C’est un moment propice pour revoir nos priorités, approfondir notre connaissance de nous-même, nous mettre à l’écoute de nos valeurs et discerner dans notre vie les choix qui sont en cohérence avec elles. Dans ces moments de grande vulnérabilité, il est important de pouvoir bénéficier d’une écoute attentive qui nous prendra tel·le que nous sommes, sans jugement et sans endoctrinement.
C’est exactement le rôle des intervenant·e·s en soins spirituels : offrir un espace de parole privilégié où les patient·e·s et leurs proches pourront nommer ce qui est difficile et souffrant, mais aussi entendre ce qui est source d’espoir et mobilisant. Les gens sont alors réceptifs à ce qui fait obstacle à leur tranquillité intérieure et qui peut les aider à cheminer vers plus de clarté, d’espérance et de paix.
Les moyens utilisés sont toujours ajustés à l’identité et à l’univers spirituel de la personne. Il peut s’agir de rituel, de prière ou de méditation, ou tout simplement d’écoute et de soutien centré sur l’expérience présente.
Un rôle difficile à décrire certes, mais considéré essentiel par les personnes qui y ont eu recours.
Les intervenant·e·s en soins spirituels ont des pratiques variées et assurent une présence dans tout le continuum de la santé, des grossesses à risque aux soins palliatifs, en passant par les milieux dédiés à la réadaptation intensive et à la santé mentale. Nous avons recueilli quelques témoignages inspirés de leur pratique quotidienne.
Être intervenant·e en soins spirituels dans le réseau, c’est aussi…
- accompagner les familles qui traversent des situations bouleversantes telle que la mort d’un enfant
- faire les démarches nécessaires à l’admission dans l’unité des soins intensifs d’une petite fille de 9 ans désireuse de faire ses adieux à son grand-père-
- rompre l’isolement des patient·e·s vulnérables aux prises avec des problèmes de santé mentale, qui n’ont plus de réseau de soutien et qui sont des proies faciles pour certains groupes religieux ou sectaires
- recevoir les confidences et soutenir dans l’affirmation de leur identité de jeunes adultes LGBT+ provenant de communautés culturelles et religieuses réfractaires à leur orientation sexuelle
- permettre la tenue aux soins intensifs d’un rituel de fin de vie pour le clan d’une femme des premières nations décédée à la suite de son accouchement
- accompagner un adolescent en détresse hospitalisé pour une tentative de suicide
- offrir conseils et soutien aux familles dans les cas de don d’organes et de tissus
- apaiser les conflits familiaux lors d’une période difficile de façon à amener les personnes à traverser l’épreuve le plus sereinement possible.
LIGNE DU TEMPS
2001 : publication du Cadre de référence pour l’organisation de la pastorale en établissements de santé et de services sociaux
Mars 2007 : abolition du protocole d’entente entre le MSSS et les autorités religieuses concernant les services de pastorale et le cadre de référence pour l’organisation de la pastorale des établissements de santé et de services sociaux (le mandat pastoral)
Octobre 2007 : formation de la Table de concertation sur les soins spirituels dans le réseau de la santé et des services sociaux, à l’initiative de l’Association des intervenantes et intervenants en soins spirituels du Québec (AIISSQ)
Juillet 2008 : dépôt au MSSS d’une demande de révision du titre d’emploi
Automne 2008 : enquête de l’APTS auprès de ses membres afin de connaître leur position et intervention en faveur de l’abolition du mandat pastoral et du changement du titre d’emploi
Février 2010 : mise à jour des Orientations ministérielles pour l’organisation du service d’animation spirituelle en établissement de santé et de services sociaux
2011 : création du titre d’intervenant en soins spirituel
2016-2017 : apparition de la gestion par statistique dans le travail des intervenant·e·s en soins spirituels :
– nombre déterminé de personnes à rencontrer par semaine
– abolition des gardes de soir et de nuit dans des établissements montréalais
Printemps 2019 : mandat de révision des orientations ministérielles pour l’organisation des services d’animation spirituelle, confié par la sous-ministre Lyne Jobin au CHU de Québec.
Automne 2019 à 2021 : travaux du comité de travail formé pour émettre des recommandations en vue de la révision des orientations ministérielles
Rédaction: Julie Desrosiers
Source: BleuAPTS