Lettre ouverte - Crise systémique dans les centres jeunesse : tendons la main à des gens de cœur
27 novembre 2024
Les récentes révélations d’abus commis par des intervenantes de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) envers des jeunes sous leur responsabilité ont eu l’effet d’un électrochoc sur la société québécoise. Avec raison.
Les enquêtes en cours nous en apprendront davantage sous peu. Quoi qu’il en soit, la situation témoigne d’une faille grave dans le système de protection de la jeunesse, qu’il faut vivement dénoncer.
Cela dit, il faut éviter les généralisations qui condamneraient injustement l’ensemble des intervenants et intervenantes, des gens de cœur, dont la majorité travaille avec dévouement et professionnalisme dans des conditions extrêmement difficiles.
Malheureusement, les défaillances constatées dans certaines régions sont le fruit d’une gestion systémique déficiente qui peine à garantir des environnements de travail sains et à prévenir les dérives organisationnelles.
Un climat toxique persiste depuis plusieurs années, sans intervention adéquate. La centralisation des services, combinée à des réductions budgétaires récurrentes, a exacerbé le problème en rendant difficile la supervision des équipes en place. S’ajoute à cela le manque de personnel et de soutien clinique.
C’est ainsi que des intervenantes peu expérimentées atterrissent en première ligne, dans des environnements complexes, sans formation continue suffisante ni encadrement adéquat. Ces failles dans l’encadrement et la formation peuvent expliquer ‒ sans les excuser ‒ des dérapages individuels.
Le « rapport Laurent » soulignait pourtant l’importance d’une réforme en profondeur du système. Mais voilà, plusieurs de ses recommandations sont restées lettre morte et l’œuvre demeure inachevée. Le manque de planification stratégique des besoins de main-d’œuvre de la part du gouvernement vient ajouter à la gravité de la situation.
Dans ces conditions, l’arrivée de Lesley Hill à titre de nouvelle Directrice nationale de la protection de la jeunesse ne suffira pas à régler les problèmes de fond, si compétente, attentive et dévouée soit-elle. Elle a toutefois le respect et une grande connaissance du milieu, un ingrédient important.
Et, dans tout cela, il est essentiel de ne pas perdre de vue que la majorité des travailleuses et travailleurs de la DPJ sont dévoué·e·s au bien-être des enfants, ce que sait très bien cette cosignataire du rapport Laurent. Malgré des défis immenses, ces gens accomplissent un travail remarquable auprès d’une clientèle très vulnérable.
Le défi est donc de taille pour Mme Hill. Se limiter à des réponses punitives ou superficielles ne fonctionnera pas : il faut investir dans des solutions structurelles. Solutions qui passent par de meilleures conditions d’emploi, une charge de travail mieux adaptée et une réelle volonté politique de mettre en œuvre les moyens nécessaires.
Il en va de la dignité des jeunes que nous devons protéger et de la reconnaissance envers celles et ceux qui consacrent leur carrière à cette mission essentielle.
Par Sébastien Pitre, responsable de la Protection de la jeunesse à l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
Cette lettre a été publiée dans Le Devoir