Lettre d’appui aux Nord-Côtières | Loin des yeux, loin du cœur!
7 mars 2025

Si l’hiver touche à sa fin, l’actualité, elle, n’est pas pour vous remonter le moral. Sur fond de guerres tarifaires et de conflits armés, une énième crise s’annonce, laissant présager plusieurs mois – voire années – de turbulences. L’anxiété qui nous envahit collectivement n’a pourtant rien de nouveau pour les Nord-Côtières, traitées depuis longtemps comme des citoyennes de seconde zone. Dans « le Nord », une autre crise sévit, silencieuse mais tout aussi réelle. Elle touche nos amies, nos femmes, nos conjointes, nos mères, nos sœurs, nos filles, nos voisines, nos travailleuses.
Pendant que le gouvernement se porte à la rescousse des industries masculines sur la Côte-Nord – comme ailleurs -, il ignore royalement les femmes qui, elles, doivent y fournir et y recevoir des soins et services dans un contexte de pénurie criante de main-d’œuvre.
Quand il s’agit de rassurer le “boys club”, le premier ministre est toujours là. Mais pour celles qui n’ont pas le privilège d’un chromosome Y, l’attention se fait soudainement plus rare. Ni le premier ministre, ni le ministre de la Santé, pas plus que le ministre des Finances, ne semblent prêts à entendre leur appel à l’aide. Cette crise les plonge pourtant dans des situations déshumanisantes, voire dangereuses pour leur santé.
Certaines sont contraintes d’accoucher seules et à des heures de route ou de vol de chez elles en raison du manque de services d’obstétrique dans leur ville ou village. D’autres, obligées de quitter leur localité plusieurs semaines avant terme pour être acceptées à bord de l’avion qui les emmènera accoucher à Sept-Îles (et pas ailleurs!), doivent payer de leur poche des frais d’alimentation, de transport et d’hébergement. Certaines se sont même vues séparées de leur bébé aussitôt l’accouchement terminé, faute de personnel suffisant et qualifié dans la région.
Récemment, des médias qui rapportaient les ruptures de service en obstétrique à Sept-Îles titraient que celles-ci « forcent l’adaptation ». Pardon? Sommes-nous vraiment rendu·e·s à nous « adapter » à l’inacceptable? Comment expliquer cette indifférence face à une telle réalité? Pourquoi cette apathie collective? Toutes les Canadiennes, toutes les Québécoises – et donc toutes les Nord-Côtières- ont droit à des soins de santé gratuits, accessibles et universels. Cette situation n’est PAS NORMALE!
C’est d’autant plus choquant que ces femmes sont aussi celles qui œuvrent majoritairement dans le réseau de la santé et des services sociaux de la région, offrant des services essentiels aux enfants, aux familles, aux personnes vulnérables et même aux travailleurs des grandes industries – ceux-là mêmes qu’on juge essentiels à l’économie régionale. Mais c’est bien connu : les anges gardiennes (sic) n’acceptent pas les virements Interac, juste la reconnaissance spirituelle. Et tant pis si leur sécurité financière et leur bien-être mental et physique y passent. Quelle belle vision du Québec et du féminisme que celle que nous offre notre gouvernement à l’aube du 8 mars!
M. Legault, M. Girard, M. Dubé : les Nord-Côtières méritent un traitement juste, sur leur propre territoire. Elles doivent avoir accès à tous les services de santé et sociaux de qualité nécessaires, et ce, partout dans notre belle région. En 2025, c’est plus qu’à leur tour de recevoir de l’attention et au vôtre de montrer l’exemple. En période de crise, c’est notre engagement envers l’égalité, l’équité et la dignité qui incarne notre humanité et notre sens des responsabilités. Montrez-vous à la hauteur de nos valeurs.
Par Kevin Newbury, représentant national pour la région de la Côte-Nord Syndicat de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux
Cette lettre est parue dans Le Nord-Côtier