L’imagerie médicale au service des coroners
17 décembre 2020
Par leur participation à un remarquable développement technologique au service de la médecine légale, des technologues en imagerie médicale (TIM) contribuent à rendre leur profession encore plus utile, puisque même les coroners recourent à leurs services.
En novembre 2019, Mireille Goulet, technologue et gestionnaire Pacs* au service de l’imagerie de l’Hôtel-Dieu de Lévis, et Luc Lacoursière, radiologiste, présentaient une conférence − qui leur a d’ailleurs valu un prix − devant des congressistes de l’Ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale du Québec. L’objectif : initier les technologues à l’imagerie post-mortem et former des gestionnaires Pacs en vue de la création d’un réseau d’une quinzaine de centres capables de réaliser des autopsies virtuelles à travers le Québec.
Par autopsie virtuelle, on entend l’utilisation de la tomodensitométrie (TDM ou CT) et de la résonance magnétique (IRM) pour investiguer les causes et circonstances de décès. Ce processus à la fine pointe de la technologie est en plein essor dans le monde depuis le début des années 2000.
Avec son immense territoire, le Québec gagnera en efficacité à utiliser cette technique d’investigation dont l’efficacité est déjà démontrée. Respectueuse de l’intégrité des corps parce que non invasive et non destructive, elle permet de mener une autopsie sans recourir au scalpel. Parce qu’elle réduira la nécessité de transférer les corps pour autopsie en centres urbains, elle réduira les coûts et permettra la transmission d’un rapport en un temps record. Les coroners pourront redonner les corps aux familles endeuillées en moins de 24 heures et leur livrer rapidement leurs conclusions, un avantage majeur pour les proches.
C’est l’écrasement d’avion qui a coûté la vie à Jean Lapierre et à plusieurs membres de sa famille aux Îles-de-Madeleine en 2016 qui a fourni l’occasion de se tourner vers l’imagerie médicale pour comprendre la cause des décès. Transporter les dépouilles sur le continent et les ramener ensuite dans l’archipel pour être inhumées semblait absurde alors que la technologie pouvait fournir sur place les réponses attendues.
Dans les années qui ont suivi, l’équipe d’imagerie sous la supervision du Dr Lacoursière, l’instigateur de cette approche, a notamment établi les protocoles et procédé à un vaste arrimage pour standardiser les pratiques en vue d’étendre cet usage. Depuis 2019, la demande est en progression rapide. Les deux équipes actuellement formées, celles de l’Hôtel-Dieu de Lévis et de l’Institut de cardiologie de Montréal, ont réalisé à ce jour plus de 580 autopsies virtuelles, dont près de 300 en 2020.
Les images transmises et les analyses effectuées ne permettent toutefois pas aux coroners d’identifier toutes les causes de décès mais engendrent une réduction significative du nombre d’autopsies traditionnelles requises.
L’autopsie virtuelle est donc une évolution technologique très pertinente à laquelle Mireille Goulet est fière de prendre part. L’équipe a d’ailleurs remporté plusieurs prix pour l’excellence de cette innovation.
« C’est un travail d’équipe, explique-t-elle, qui implique la mise en commun de plusieurs expertises. La technologue en imagerie médicale reçoit la requête du coroner. L’entreprise de pompes funèbres apporte le corps dans un sac et l’installe pour son passage dans le scanner. La technologue acquiert des images et effectue des reconstructions 3D. Dans le temps de le dire 5000 images sont produites, révélant l’anatomie de la personne défunte sous tous ses angles. Elle transmet ensuite ces images au radiologiste pour interprétation et dictée du rapport. Les transcriptrices seront ainsi en mesure d’officialiser le rapport et de l’acheminer par courriel au Bureau du coroner. Il ne se sera pas écoulé plus de 24 heures pour que le ou la coroner obtienne un rapport final alors qu’il ou elle peut attendre des semaines pour obtenir un rapport d’autopsie conventionnelle. »
Plusieurs projets en cours
Un premier projet visant à évaluer la faisabilité d’un service d’autopsie virtuelle dans la région de Québec/Chaudière-Appalaches a été réalisé avec succès.
Un second projet impliquant le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale et le Bureau du coroner du Québec est actuellement en cours afin de comparer les résultats de l’imagerie post-mortem et ceux de l’autopsie conventionnelle.
Finalement, le Réseau Québécois d’imagerie Post-mortem, constitué de centres hospitaliers dans chacune des régions, est actuellement en préparation. Plusieurs technologues en imagerie médicale seront donc appelées à travailler au sein de ce réseau et à contribuer au développement de cette spécialité de la radiologie.
Rédaction: Chantal Mantha
Source: BleuAPTS