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Lettre ouverte | Il est temps de mettre un terme aux déficits démocratiques

15 septembre 2025

Lettre ouverte | Il est temps de mettre un terme aux déficits démocratiques - APTS

À l’occasion de la Journée internationale de la démocratie et à un an des prochaines élections générales québécoises, la réforme du mode de scrutin doit devenir l’un des principaux enjeux de la campagne électorale qui se conclura le 5 octobre 2026.

Pour nous, dirigeants et dirigeantes de plusieurs organisations majeures de la société civile regroupées au sein de la Coalition pour une réforme électorale, il est impératif que tous les partis politiques fassent connaître les solutions qu’ils proposeront aux Québécois afin de mettre un terme aux déficits démocratiques causés par le modèle britannique de scrutin uninominal à un tour. Manifestement, ce vieux système électoral est dépassé, car il ne répond plus aux réalités politiques du Québec contemporain.

Les résultats des dernières élections de 2022 ont démontré de manière éclatante les vicissitudes du modèle électoral actuel, qui est caractérisé par la fabrication de graves distorsions de représentativité dans la répartition des sièges qu’il induit à l’Assemblée nationale.

Mais il y a pire. En déformant grossièrement l’image projetée par la volonté du peuple québécois, ce système défaillant crée des majorités parlementaires artificiellement gonflées qui, bénéficiant des larges pouvoirs législatifs, peuvent amener un gouvernement à commettre de graves erreurs ou des excès de pouvoir, comme l’actualité et l’Histoire le démontrent, et ce particulièrement lorsque ce phénomène se combine avec ce qui semble inhérent à l’usure de l’exercice d’un pouvoir sans partage.

Au lieu de créer une prétendue stabilité politique, le système actuel entraîne plutôt une certaine instabilité dans des politiques publiques adoptées par des majorités parlementaires qui ne correspondent pas à la réalité. Les gouvernements qui contrôlent ces majorités parlementaires introduisent ainsi des réformes souvent imposées par bâillon, lesquelles défont les précédentes qui avaient elles aussi été adoptées sans les appuis nécessaires pour en assurer la pérennité.

Les grandes réformes erratiques à répétition des structures du réseau public de la santé et des services sociaux en sont sans doute chez nous l’exemple le plus choquant. Les violents retournements politiques sur les questions environnementales en sont un autre exemple éloquent aux États-Unis ou à des degrés divers les reculs observés en Ontario, en Alberta et, plus récemment, à Ottawa !

Pour instaurer de nouveaux modes de gouvernance qui répondent mieux aux défis de notre temps, il faut donc moderniser le processus qui conduit aux choix de nos élus. Ainsi, en améliorant les dispositions du projet de loi 39 déposé en 2019 et retiré en décembre 2021 malgré les promesses du gouvernement Legault, le projet de loi 499 déposé à l’Assemblée nationale en octobre 2023 par Québec solidaire, et dont les principes ont été appuyés par le Parti québécois et le Parti conservateur, propose un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales qui aurait pour effet que la représentation des principaux partis politiques refléterait bien davantage la volonté populaire que le système actuel.

Le Québec, à l’instar de plusieurs autres démocraties dans le monde, a vu ces dernières années son paysage politique se fracturer en plusieurs formations principales. Nous sommes dorénavant bien loin du vieux bipartisme qui caractérisait notre vie politique. Reste que le mode de scrutin doit y être adapté. Une récente projection de l’agrégateur de sondages Qc125 a même évoqué la possibilité de voir se former un gouvernement majoritaire avec seulement 31 % des voix. Le statu quo en la matière n’est démocratiquement plus viable.

Les fausses majorités parlementaires causées par le mode de scrutin actuel ne parviennent plus à offrir des solutions durables aux graves problèmes de société qui ne cessent de s’accumuler. L’ampleur et la complexité grandissante des défis auxquels une société moderne comme la nôtre est confrontée exigent dorénavant que les majorités parlementaires qui construisent les politiques publiques tiennent compte d’une gamme de points de vue beaucoup plus large que celle qui est représentée au sein d’une seule formation politique.

La nécessité de recourir à des coalitions, comme le font déjà un grand nombre de démocraties en Occident, fera en sorte que les partis politiques devront trouver des moyens pour instaurer des pratiques favorisant le plus de consensus possible, favorisant ainsi l’élaboration de politiques plus durables et mieux adaptées à la recherche toujours plus complexe de solutions à tous ces nouveaux enjeux auxquels le Québec doit faire face.

Mais tout cela commence par l’instauration d’un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales, tel que celui qui est proposé par le projet de loi 499, pour qu’enfin l’Assemblée nationale reflète les réalités politiques du Québec.

Cette lettre a été publiée dans Le Devoir.

Lettre de Jean-Pierre Charbonneau (L’auteur est président du Mouvement Démocratie Nouvelle (MDN). Il cosigne cette lettre avec les leaders de la Coalition pour une réforme électorale au Québec.*)

*Ont aussi cosigné ce texte : Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) ; Denis Bolduc, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) ; Julie Bouchard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ; Pascal Côté, vice-président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ; Émilie Charbonneau, vice-présidente de L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ; Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ; Laure Waridel, co-instigatrice et coordonnatrice de Mère au Front Rive-Sud ; Sylvie Cantin, co-instigatrice et coordonnatrice de Mère au Front Rive-Sud ; Patrick Bydal, vice-président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ; Marie-Anne Alepin, présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB) ; Guillaume Bouvrette, président du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) ; Fred-William Mireault, président de Force Jeunesse ; Chloé Bell, vice-présidente de Force Jeunesse ; Gisèle Dallaire, porte-parole du Réseau des tables régionales des groupes de femmes du Québec ; Franck Di Scala, vice-président du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) ; Gabrielle Dessureault, coordonnatrice Les AmiEs de la terre de Québec ; Flora Dommanget, présidente aux affaires sociopolitiques de l’Union étudiante du Québec (UEQ) ; Loïc Goyette, coordonnateur aux affaires sociopolitiques de l’UEQ.