Exode du personnel aux portes des centres jeunesse de la Gaspésie
15 novembre 2019
Gaspé ‒ « L’exode du personnel qui sévit actuellement dans les centres jeunesse à travers le Québec accentue sérieusement la crise que traverse notre système de protection de la jeunesse et ça pourrait aussi arriver ici, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine.
Le ministre Lionel Carmant, grand patron des centres jeunesse, doit intervenir de toute urgence pour enrayer l’hémorragie sinon les intervenant·e·s vont prendre les moyens nécessaires pour attirer l’attention sur une situation devenue intenable et qui ne peut plus durer. »
Des intervenant·e·s au bout du rouleau
C’est ainsi qu’a réagi la représentante nationale de l’APTS de la région, Guylaine Michel, au lendemain de l’émission Enquête qui lève le voile sur les conditions difficiles dans lesquelles travaillent les intervenant·e·s dans les centres jeunesse du Québec. Des conditions qui n’ont pas changé d’un iota depuis le drame de Granby et qui s’aggravent parce que les intervenant·e·s commencent à quitter massivement leur emploi, étant au bout du rouleau et ayant perdu tout espoir d’amélioration à court et moyen terme. « Ça fait des mois que nous dénonçons la situation dans les centres jeunesse de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, rappelle la porte-parole. Nous avons alerté le ministre Carmant, nous avons interpellé nos élu·e·s régionaux·ales à l’Assemblée nationale, nous avons indiqué maintes fois que les sommes annoncées l’été dernier ne suffisaient pas, nous avons mis en garde tant le ministre Carmant que la ministre McCann de la possibilité d’un exode si on ne donnait pas un coup de barre plus énergique que ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Le problème, c’est que tout le monde se retranche derrière la Commission Laurent, devenue un paravent politique pour justifier les atermoiements. Résultat : la situation continue d’empirer. »
Un autre effet de la réforme
La fusion des listes d’ancienneté entraînée par la création des nouvelles unités d’accréditation à l’échelle des centres intégrés (universitaires) de santé et de services sociaux (CISSS et CIUSSS), une des conséquences de la réforme instaurée en 2015, offre l’occasion aux intervenant·e·s, souvent parmi les plus expérimenté·e·s, de quitter les centres jeunesse pour d’autres postes dans le réseau. Après plusieurs années sur la « ligne de front », ils et elles n’en peuvent plus de travailler dans un environnement qui ne cesse de se détériorer et décident de changer de poste.
La surcharge au cœur du problème
Il y a un terrible problème de surcharge de travail dans les centres jeunesse, rappelle l’APTS. En région, le nombre de signalements traités ne cesse de grimper en flèche depuis des années alors que les ressources pour y répondre ne se sont pas développé au même rythme. La titularisation de plusieurs postes annoncée l’été dernier n’a réduit en rien le « caseload » surchargé des intervenant·e·s, car il n’y a pas plus de « bras » sur le terrain pour faire le travail. La situation est toujours préoccupante, comme le rappelle le cas récent de cette intervenante agressée par un adolescent de 15 ans dans la région de l’Estrie.
Un leadership attendu
À titre de responsable des centres jeunesse, le ministre Carmant doit faire preuve de leadership et trouver des solutions qui sortent des sentiers battus, estime l’APTS. Certaines directions de la jeunesse s’en tirent mieux que d’autres. Comment se fait-il que ce ne soit pas le cas partout? La bonne volonté du ministre descend-elle vraiment jusqu’aux gestionnaires sur le terrain? L’information remonte-t-elle jusqu’à lui? Y a-t-il des résistances dans l’appareil, des gens qui cherchent à se protéger? Il faut aplanir toutes ces difficultés, rappeler à l’ordre - voire semoncer - les CISSS et les CIUSSS récalcitrants et instaurer plus que jamais la transparence et le dialogue entre toutes les parties.
« Quelque six mois après l’incident tragique de Granby et toutes nos mises en garde, c’est comme si le gouvernement n’avait rien appris, se désole Guylaine Michel. Je le répète : nos intervenenant·e·s n’en peuvent plus. Si rien n’est fait pour juguler l’exode et la perte d’expertise qui en découle, nous n’aurons d’autre choix que d’entamer des actions de sensibilisation énergiques.
On ne peut pas attendre que la Commission Laurent dépose officiellement ses recommandations, alors que le feu est " pogné dans la cabane " et que des milliers d’enfants comptent sur le meilleur système possible pour s’en tirer. Nous avons le devoir de dénoncer la situation et d’en appeler aux meilleures volontés dans ce dossier », de conclure la porte-parole de l’APTS.
À propos de l'APTS
L'Alliance du personnel professionnel et technique du réseau de la santé et des services sociaux (l'APTS) regroupe et représente quelque 55 000 membres qui jouent un rôle indispensable au bon fonctionnement des établissements du réseau. Nos gens offrent une multitude de services en matière de diagnostic, de réadaptation, de nutrition, d’intervention psychosociale et de soutien clinique et de prévention, autant de services qui s’adressent à l’ensemble de la population. En Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, l’APTS représente près de 900 membres, dont 175 travaillent en centre jeunesse.